Le Moyen-Orient de 1945 à nos jours
Le Moyen-Orient est une terre à l’histoire très ancienne, où coexistent les civilisations arabe, iranienne, kurde et turque. C’est le berceau des trois religions monothéistes : les juifs se concentrent dans l’Etat d’Israël crée en 1948 ; les chrétiens forment des communautés importantes
I – Un foyer d’instabilité majeur
1) Des lignes de partage multiples
- Le Moyen-Orient est une terre à l’histoire très ancienne, où coexistent les civilisations arabe, iranienne, kurde et turque. C’est le berceau des trois religions monothéistes : les juifs se concentrent dans l’Etat d’Israël crée en 1948 ; les chrétiens forment des communautés importantes dans certains pays comme le Liban ou l’Egypte ; les musulmans sont divisés entre sunnites et chiites. Les affrontements confessionnels et communautaires déstabilisent certains pays comme le Liban, qui connaît la guerre civile de 1975 à 1991.
- Les Kurdes, dispersés entre quatre pays (Turquie, Iran, Irak et Syrie), sont un peuple privé d’Etat. Leurs droits sont aujourd’hui mieux reconnus après des décennies d’oppression, mais ils forment cependant un foyer de tension persistant. La ligne de partage la plus déstabilisante pour la région reste celle qui sépare l’Etat d’Israël de ses voisins arabes, qui ne l’ont pas encore bien accepté. Mais les Etats arabes eux-mêmes sont en rivalité permanente pour l’hégémonie régionale, malgré l’existence de la Ligue arabe.
- Les tensions entre les Etats sont aussi d’origine économique. L’eau, ressource rare dans une région en grande partie désertique, suscite des tensions entre les Etats, par exemple la Turquie, la Syrie et l’Irak à propos du Tigre et de l’Euphrate. Le pétrole, découvert au début du XXe siècle, est la grande richesse du Moyen-Orient, qui possède les deux tiers des réserves. Les « pétromonarchies », Etats riches et peuplés de la péninsule Arabique suscitent l’hostilité des pays moins bien pourvus et plus peuplés. C’est l’une des causes de l’invasion du Koweït en 1990 par l’Irak de Saddam Hussein.
2) Les enjeux internationaux depuis 1945
- Le pétrole a bien sûr attisé les convoitises des puissances coloniales (Grande-Bretagne et France) et des Etats-Unis, dont les compagnies exploitent les gisements à leur profit. La décolonisation, amorcée dans les années 1930, s’accélère après 1945. Mais les gouvernements de la région veulent aussi réaliser la « décolonisation économique », en prenant le contrôle de leurs ressources. En 1951, le Premier ministre Mossadegh nationalise le pétrole en Iran. En 1956, le leader égyptien Nasser fait de même avec le Canal de Suez. La France et la Grande-Bretagne attaquent alors l’Egypte avec l’aide d’Israël. Mais l’intervention des deux Grands fait reculer les anciennes puissances coloniales qui se désengagent de la région.
- Le Moyen-Orient est entré dans la logique de la guerre froide. Les deux superpuissances sont en concurrence au Moyen-Orient, chacune cherchant à intégrer dans son camp de nouveaux Etats. L’URSS essaie d’utiliser à son profit le nationalisme arabe. Mais les Etats-Unis sont beaucoup mieux implantés dans la région : ils s’appuient à la fois sur Israël, sur l’Arabie saoudite et sur la Turquie (membre de l’OTAN). En 1953, ils organisent un coup d’Etat en Iran pour renverser Mossadegh et installent la dictature du chah. En 1955, ils parrainent le pacte de Bagdad pour contenir l’URSS sur son flanc sud.
- Les Etats-Unis deviennent incontournables au Moyen-Orient après la disparition de l’URSS en 1991 et l’engagement américain pour libérer le Koweït. Les années 1990 sont marquées par l’implantation militaire américaine dans les pays du Moyen-Orient et par le conflit persistant entre les Etats-Unis et l’Irak, soumis à un embargo meurtrier. L’opération « Liberté pour l’Irak » de mars 2003 renverse le régime irakien et aboutit à l’occupation du pays, mal acceptée par les Irakiens.
II – Les conflits israélo-arabes
1) Un nouvel Etat mal accepté
- Depuis la fin du XIXe siècle, le sionisme provoque une émigration juive vers la Palestine. Lord Balfour promet en 1917 la création d’un « foyer national juif ». Mais les Britanniques, qui gouvernent la Palestine de 1917 à 1947, refusent de mettre en œuvre cette promesse. Le génocide juif en Europe, lors de la Seconde Guerre mondiale, rend indispensable la création d’un Etat-refuge pour les juifs. Pour l’obtenir, les sionistes engagent dès 945 la lutte armée contre les Britanniques. En novembre 1947, l’ONU propose un plan de partage de la Palestine en deux Etats, juif et arabe. Ce plan rencontre l’hostilité des Arabes. En décembre 1947, débute une guerre civile en Palestine entre les habitants juifs et arabes. Ces derniers, que l’on commence à appeler Palestiniens, sont expulsés des territoires contrôlés par les juifs. Le 14 mai 1948, Ben Gourion proclame la naissance d’Israël.
- Le nouvel Etat est alors attaqué par les Etats arabes voisins. Inexpérimentés et divisés, ceux-ci sont écrasés par Tsahal. Pour les Palestiniens, c’est la Nakba : presque un million d’entre eux se réfugient dans les pays voisins. Les territoires qui auraient dû constituer un Etat palestinien sont soit annexés par Israël, soit rattachés à la Jordanie (Cisjordanie) et à l’Egypte (Gaza). La ville de Jérusalem est divisée en deux. Aucune paix n’est alors signée entre Israël et les Etats arabes.
- Le nouvel Etat juif est une démocratie où le pouvoir est détenu par une assemblée, la Knesset, et un Premier ministre. L’idéal communautaire s’exprime à travers le kibboutz, mais la sécurité reste la première préoccupation du pays. La loi du retour de 1950 attire de nombreux migrants.
2) De la logique de guerre…
- En 1956, Israël aide la France et la Grande-Bretagne contre l’Egyptien Nasser qui a nationalisé le canal de Suez. Puis, en 1967, Israël déclenche et gagne la guerre des Six Jours contre les trois pays arabes. La Cisjordanie et Gaza deviennent alors des territoires occupés, dont les habitants palestiniens sont administrés par Israël. Tsahal prend aussi le contrôle du Golan (Syrie) et du Sinaï (Egypte). L’ONU, par la résolution 242, demande en vain l’évacuation de ces territoires par Israël. En 1973, l’Egypte riposte par la guerre du Kippour, gagnée plus difficilement par Tsahal. A cette occasion, les pays de l’OPEP quadruplent le prix du pétrole pour punir les alliés d’Israël.
- La lutte contre Israël permet aux dirigeants arabes de rester populaires, en utilisant la cause palestinienne au service du nationalisme arabe. Mais la solidarité entre les Etats arabes et les réfugiés palestiniens n’est pas toujours réelle. Ainsi, en septembre 1970 (« Septembre noir »), le roi Hussein chasse de Jordanie les organisations plaestiniennes.
3) … aux espoirs de paix
- En 1977, l’unité arabe face à Israël est définitivement rompue par l’Egypte, qui, sous la direction de Sadate, s’est rapprochée des Etats-Unis. Après une visite en Israël en 1977, Sadate signe les accords de Camp David en 1978 avec le Premier ministre israélien Begin. C’est la première paix signée entre Israël et un pays arabe. L’Egypte récupère le Sinaï mais est exclue de la Ligue arabe. Sadate est assassiné par des islamistes en 1981.
- La fin de l’URSS et l’hégémonie américaine au Moyen-Orient après la guerre de 1991 contre l’Irak contribuent à l’acceptation d’Israël par ses voisins. La Jordanie signe la paix en 1994. Seule la Syrie suspend la paix à la restitution du Golan perdu en 1967. Mais la question des Palestiniens n’est pas réglée et demeure le principal obstacle à la paix.
III – Le face-à-face israélo-palestinien
1) Le nationalisme palestinien contre Israël
- L’idée d’une nation palestinienne est née chez les Arabes chassés par Israël, qu’il s’agisse des réfugiés vivant dans les camps ou de la diaspora travaillant dans de nombreux pays. L’occupation de la Cisjordanie et de Gaza à partir de 1967, l’annexion de Jérusalem-Est proclamée en 1980 et la construction de colonies renforcent le nationalisme palestinien.
- Celui-ci trouve une expression politique avec l’OLP, qui réunit en 1964 plusieurs mouvements politiques voulant donner aux Palestiniens un Etat. La charte de l’OLP est intransigeante : elle autorise tous les moyens de la lutte armée, y compris le terrorisme, et ne reconnaît pas à Israël le droit d’exister. Dirigée par Yasser Arafat, l’OLP multiplie les actes terroristes. En 1972, des Palestiniens prennent en otage et exécutent des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich.
- Pour détruire l’OLP, qui s’est installée à Beyrouth après avoir été chassée de Jordanie en 1970, Israël envahit en 1982 le Liban, alors en pleine guerre civile. Tsahal laisse les milices libanaises massacrer des civils dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. L’OLP se réfugie à Tunis. Le Sud du Liban passe sous le contrôle israélien jusqu’en 2000.
2) Un inévitable rapprochement
- Affaiblie, l’OLP modifie sa politique et condamne le terrorisme alors qu’un mouvement de révolte, l’Intifada, enflamme à partir de 1987 les territoires occupés. En 1988, l’OLP reconnaît Israël, proclame l’Etat palestinien et accepte les résolutions de l’ONU. Cette ouverture est d’autant plus inévitable que l’OLP s’est discréditée en soutenant Saddam Hussein lors de l’invasion du Koweït en 1990. De son côté, Israël pâtit de plus en plus de la politique de répression contre les jeunes insurgés des territoires occupés.
- Le 13 septembre 1993, le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et Yasser Arafat signent les accords d’Oslo qui prévoient le retrait israélien de Gaza et de Jéricho. Une « Autorité » palestinienne se met en place. Un certain nombre de pouvoirs sont transférés aux Palestiniens, qui pourront élire une assemblée et s’administrer à Gaza et sur une partie de la Cisjordanie. En septembre 1995, les accords d’Oslo 2 mettent en œuvre de nouveaux retraits israéliens mais butent sur de grandes difficultés.
3) L’échec du processus de paix depuis 1993
- La lenteur de processus de paix fait le jeu de ses adversaires. En 2000, l’Autorité palestinienne ne contrôle plus que 18 % de la Cisjordanie. Il n’est plus possible d’étendre le territoire palestinien sans toucher aux colonies juives. En dix ans de processus de paix, le nombre de colons a doublé dans les territoires occupés, renforçant ainsi les arguments des extrémistes des deux camps.
- Les mouvements islamistes prospèrent grâce aux difficultés des Palestiniens dont les conditions de vie s’aggravent. Ils commettent des attentats suicides à partir de 1994 et dénoncent le processus de paix. Celui-ci est aussi fragilisé par l’assassinat de Yitzhak Rabin en 1995 par un juif d’extrême droite. Refusant de concéder davantage de droits et de terres aux Palestiniens et de remettre en cause les colonies, les gouvernements israéliens freinent le processus de paix. De leur côté, les Palestiniens exigent un droit au retour pour tous les réfugiés et Jérusalem comme capitale de leur futur Etat.
- En septembre 2000, une deuxième Intifada se déclenche. Plus violente que la première, elle se heurte à la dure répression du gouvernement d’Ariel Sharon qui entreprend la construction d’un mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. Les espoirs de paix s’éloignent.
IV – L’islamisme
1) La politisation de l’islam
- L’islam est une religion pratiquée par un milliard de fidèles, dont 200 millions d’Arabes. L’islamisme est une utilisation politique de l’islam, qui vise à fonder l’Etat sur la Charia et à recréer l’Umma. Cette volonté de faire du Coran un idéal politique est commune à tous les islamistes, qui usent cependant de moyens différents pour l’atteindre. Certains partis islamistes sont légaux et se présentent aux élections ; d’autres mouvements pratiquent la lutte armée. L’islamisme peut être une doctrine révolutionnaire, appelant à renverser les régimes jugés « corrompus », à l’image des Frères musulmans fondés en 1928 en Egypte. Il peut aussi être une doctrine conservatrice au service du pouvoir établi, comme le wahhabisme en Arabie saoudite.
- L’islamisme commence à se développer, au Moyen-Orient et au-delà, dans les années 1970. Il séduit tous ceux que les régimes issus de la décolonisation ont déçus. Misère et dictature favorisent la popularité des islamistes, qui pallient les carences de l’Etat par leur action sociale. L’échec du nationalisme arabe, symbolisé par la défaite face à Israël en 1967, est exploité par les islamistes. Ceux-ci dénoncent une idéologie trop influencée par l’Occident et incapable de sortir le Moyen-Orient du sous-déceloppement.
2) Les trois vagues de l’islamisme
- L’islamisme remporte une première victoire avec la révolution iranienne qui renverse en 1979 le chah. Le clergé chiite dirige le mouvement populaire et l’ayatollah Khomeiny devient le guide suprême de la « République islamique ». Le régime s’enracine grâce au sursaut patriotique dans la guerre contre l’Irak (1980 – 1988) et survit à la mort de son chef en 1989.
- Durant les années 1980, les islamistes s’illustrent au cours de luttes de « libération nationale ». Les Moudjahidins afghans combattent l’occupation soviétique et l’athéisme communiste. Les islamistes s’emparent aussi de la lutte nationale des Palestiniens et augmentent leur audience grâce à l’Intifada. En dehors du Moyen-Orient, les mouvements jihadistes se développent grâce aux anciens « Afghans », qui prônent partout la lutte armée, de l’Algérie aux Philippines.
- A la fin des années 1990, un nouvel islamisme se développe sous la forme d’un réseau terroriste mondialisé nommé Al Qaida et fédéré par la figure d’Oussama Ben Laden. Il prône la « guerre sainte » contre l’Occident et vise surtout les Etats-Unis (attentats du 11 septembre 2001).
3) La croisée des chemins
- La lutte antiterroriste engagée depuis 2001 par les Etats-Unis commence par une intervention en Afghanistan contre le régime des talibans qui abrite alors Ben Laden. Le consensus, y compris dans le monde musulman, qui a marqué cette guerre montre l’influence limitée du jihad mondialisé. Privée de base sociale et d’appui étatique, la troisième vague islamiste s’épuise.
- En recul dans ses formes extrémistes, l’islamisme tend à s’enraciner dans de nombreux pays du Moyen-Orient. Il se « nationalise », en se préoccupant plus des affaires du pays que du sort de l’Umma, comme c’est le cas au Liban ou en Palestine. Il se banalise, en participant à la vie politique : c’est le cas en Turquie, où les islamistes dits « modérés » sont au pouvoir depuis 2002 et prônent l’entrée de leur pays dans l’Union européenne. Certains observateurs ont parlé d’un parti « démocrate-musulman », par référence aux courants démocrates-chrétiens qui existent en Europe.
- Mais l’islamisme reste une idéologie de mobilisation contre l’Occident, dans de nombreux pays qui voient dans la mondialisation un risque d’uniformisation culturelle et de domination des Etats-Unis.
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